Caumont-Centre d’Art ouvre ses portes à Oscar Ghez, industriel d’origine tunisienne devenu passeur d’art. L’exposition « Regards d’un collectionneur » réunit près de 60 chefs-d’œuvre signés Caillebotte, Vallotton, Lempicka, Valadon, Picasso, Renoir ou encore Manet. À travers ce parcours, le visiteur traverse un demi-siècle de création, des impressionnistes aux avant-gardes du XXᵉ siècle.
Oscar Ghez, collectionneur visionnaire
Né en 1905 à Sousse, Oscar Ghez se passionne très jeune pour la beauté des objets. Ce futur industriel du caoutchouc, réfugié aux États-Unis pendant la guerre avant de s’établir à Genève, consacre sa seconde vie à l’art.
Guidé par une curiosité insatiable et une intuition rare, il amasse plus de 5 000 œuvres en trente ans. Sa collection embrasse les grands courants de la modernité et révèle un œil profondément humaniste.
« J’ai collectionné des œuvres allant de la période impressionniste à celle de l’École de Paris, où les principaux mouvements y sont représentés. » (Oscar Ghez, Tribune des Arts, Genève, 1995)
Pionnier, Ghez reconnaît tôt le talent des femmes artistes encore peu valorisées de son temps : Suzanne Valadon, Tamara de Lempicka, Marie Bracquemond… autant de créatrices que l’histoire commence aujourd’hui seulement à réhabiliter.
Il s’engage aussi pour la mémoire des artistes juifs disparus durant la Shoah, en faisant don de 137 œuvres à l’Université de Haïfa en 1978, geste fort de transmission et de réparation.
Un voyage à travers l’art moderne
Sous le thème du voyage artistique, l’exposition déploie une mosaïque foisonnante de styles et de sensibilités.
De Caillebotte et son Pont de l’Europe à Vallotton, maître du détail et des contrastes, chaque toile témoigne de la richesse d’une époque en mutation.
Les visiteurs se laissent ensuite emporter par la vibration fauve du Nu au canapé bleu de Manguin ou le Marché à Marseille de Dufy, avant de s’arrêter sur les cubismes puissants d’un Picasso en pleine invention.
Entre impressionnisme, Nabis, néo-impressionnisme et cubisme, l’exposition révèle un siècle de bouleversements picturaux et sociaux, où la lumière, la ville et l’industrie deviennent des sujets d’art.
Une œuvre de transmission
« Dès mon plus jeune âge, j’ai rassemblé des coquillages, puis des monnaies anciennes et des timbres. Par la suite, la peinture et la sculpture sont devenues mes hobbies. » ( Oscar Ghez)
En 1968, Oscar Ghez ouvre à Genève son musée du Petit Palais, véritable temple de l’art moderne, pour partager sa passion avec le public. Aujourd’hui, le Caumont-Centre d’Art rend hommage à cette démarche, rappelant combien un collectionneur peut être acteur de l’histoire de l’art.
En présentant 38 artistes à travers 60 œuvres emblématiques, l’exposition met en lumière la force d’un regard singulier, celui d’un homme qui, de la Tunisie à la Suisse, a fait du beau une quête de vie.
Cette exposition est bien plus qu’un accrochage : c’est une leçon de sensibilité et de liberté, une invitation à repenser ce que signifie collectionner, préserver et transmettre.
Par Eric Foucher / Photos Caumont Centre d’art (en Une Valotton / La Toilette)
