C’est un lieu étrange et atypique dans une petite rue d’Aix-en-Provence. Un espace intime de création, d’exposition et de rencontres pour les artistes imaginé par Michèle Cohen commissaire d’exposition qui a longtemps enseigné l’histoire de l’art.
« Les incas, (…) possédaient un passage souterrain dans leur demeure qui leur permettait d’accéder à un jardin secret, un jardin qui s’appelait en langue inca Nanankepichu ce qui veut dire la Non-Maison. » écrivait Anaïs Nin dans Le feu. C’est cette recherche du mystérieux voir du mystique qui a conduit Michèle Cohen à la nommer ainsi.
L’oratoire peu orthodoxe que l’on aperçoit à l’angle de la bâtisse et réalisé par l’artiste canadien Trevor Gould, natif de Johannesbourg, lors de sa résidence ici en 2012 pourrait en être la parfaite illustration. Il ne représente pas la Vierge Marie – avec ou sans enfant comme à l’accoutumé – mais Peiresc, un aixois érudit et excentrique qui vécut au XVIIe siècle accompagné d’un singe et d’un éléphant.
L’association nomade créée à la fin des années 90’s avait besoin d’un point d’ancrage à pour faire exister les relations entre public, œuvres, artistes et collectionneurs. Ce sera dans cette maison d’Aix-en-Provence dès 2007, dans laquelle chaque pièce est aussi importante que la petite galerie en rez-de-chaussée.
Ce centre d’art cultive sa différence en faisant découvrir au grand public des artistes contemporains connus souvent uniquement des initiés ou en revisitant les œuvres de personnalités sous des angles nouveaux : une journée avec Henry Miller, les poteaux électriques de Bernard Plossu, etc.
Tout étant toujours une question d’angle, la création de l’École du Regard qui questionne le mystère de voir vient chaque année accorder un prix à des artistes et de chercheurs et leur offre une création (spectacle vivant, édition, exposition)
Mais ce qui caractérise surtout ce micro-centre d’art, c’est sa vocation de lieu de rencontres et de discussions entre artistes écrivains, penseurs et philosophes.
Nous en avons fait l’expérience lors de la dernière Nuit des Galeries d’Aix-en-Provence où nous nous sommes retrouvés à la table de la galeriste avec l’artiste invité (Nicolas Comment), une ancienne artiste en résidence (Silvie Brière) et un traducteur du sanscrit (Guy). S’en sont suivies de longues et passionnantes conversations sur Rimbaud, Germain Nouveau, la photographie … un peu comme dans les salons artistiques qui ont perduré jusqu’à l’entre-deux guerres en quelque sorte
« Il me tenait à cœur d’exposer cette enquête photographique de Nicolas Comment. Elle ouvre la voie à un cycle d’expositions et de rencontres que je vais organiser par la suite autour de figures oubliées de l’histoire de l’art car invisibilisées, soit parce qu’elles étaient femmes, soit parce qu’elles ne faisaient pas partie de ce qu’on appelle le Centre du monde, soit parce qu’elles-mêmes ont brûlé ou détruit leurs œuvres. Cette exposition est une ode aux clochards célestes, à la périphérie, à la délicatesse et à la discrétion. »
Michèle Cohen fonctionne au ressenti. C’est souvent lors de ces cafés, apéros ou dîner que naissent les idées de projets.
Depuis 2011, le centre d’art accueille des artistes en résidence sur des périodes longues. Pendant trois mois, les artistes se voient accorder une allocation et un temps de recherche, sans aucune obligation de production, de monstration prédéfinie, le temps est libre et libre à chacun de l’utiliser comme il le souhaite.
A travers ce qu’elle nomme le « Sillon », elle laisse les artistes creuser leur propre voie et accompagne compositeurs, plasticiens, auteurs, photographes sur le long terme, depuis leurs ateliers vers les portes des galeries, musées ou collectionneurs.
Le photographe Bernard Plossu, la plasticienne Fadma Kaddouri ou le musicien et poète Stanislas Netter figurent parmi ses artistes fétiches.
Le Petit Plus : La NON-MAISON collabore avec d’autres structures comme des musées, des Frac, des maisons d’éditions ou bibliothèques, des universités, mais aussi avec un réseau de curateurs indépendants, collectionneurs, critiques d’art, historiens d’art, artistes et poètes et compositeurs …
Par Eric Foucher