Curieusement méconnu du grand public, Max Ernst est pourtant une figure majeure du mouvement Dada, du surréalisme et de l’art moderne en général. Cette belle exposition retrace son œuvre immense, nourrie de philosophie, de psychanalyse, de science, d’alchimie, d’histoire de l’art, de littérature et de poésie.
Né allemand, puis naturalisé américain en 1948 et français dix ans plus tard en 1958, Max Ernst est cet artiste cosmopolite qui aura traversé le monde et le 20ème siècle en côtoyant tous ses courants picturaux et ses artistes majeurs.
La Première Guerre mondiale qui laisse une Europe en ruine inspire aux artistes une esthétique fragmentaire de l’absurde. Après le cubisme, la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico et de Carlo Carrà, Max Ernst initie une révolution artistique en important le mouvement Dada à Cologne.
A travers celui-ci, puis un peu plus tard le surréalisme quand il croise à Paris le chemin d’André Breton et de Paul Eluard, il expérimente des techniques picturales comme le collage et le frottage qui consiste à passer une mine de plomb sur un papier posé sur des surfaces rugueuses. Des innovations plastique qui seront utilisées par bien des artistes après lui.
Il est interné à deux reprises au Camp des Milles d’Aix-en-Provence au début de la Seconde Guerre mondiale avec un autre artiste allemand, Hans Bellmer, qui fera de lui un portrait.
Puis il passe brièvement par la villa Air-Bel à Marseille. Il y contribue avec d’autres artistes réfugiés à la réalisation du célèbre Jeu de Marseille.
Max Ernst réussit à fuir la France grâce au comité de soutien américain de Varian Fry (un épisode raconté dans la série Transatlantic sur Netflix) et l’aide financière de Peggy Guggenheim qu’il épouse à son arrivée à New-York. Il rentrera en France en 1953 et continuera de travailler intensément la peinture, le dessin, la sculpture et l’orfèvrerie.
À travers près de 130 œuvres, l’exposition revient sur les traces de ce génie créateur en tant que personnalité libre et singulière, et met notamment à l’honneur le lien étroit qu’il entretenait avec la nature, le jeu, la magie, la liberté et les femmes.
« Nous avons tracé une véritable cosmologie, qui nous a permis d’identifier des motifs, des thèmes et des règles qui réapparaissent constamment au cours des sept décennies de sa carrière artistique ». ( Martina Mazzotta et Jürgen Pech / curateurs).
La section « Éros et métamorphose » revient par exemple sur la vie amoureuse et aventureuse de Max Ernst. Des femmes extraordinaires, à la personnalité hors du commun, qui ont toutes joué un rôle primordial dans son œuvre, en l’influençant, en la nourrissant et en s’en inspirant réciproquement.
« Un philosophe qui joue » dans la droite lignée de Dada et du surréalisme montre le jeu comme une puissante source d’inspiration en se débarrassant de toute préoccupation morale et contrôle de la raison.
Durant les dernières années de sa vie, à Seillans dans l’arrière-pays varois, Max Ernst célèbre dans ses toiles l’harmonie, les couleurs et les aspects festifs de la vie : plus il vieillit, plus il devient jeune et joyeux.
« Pour créer des mondes libérés et magiques, il faut qu’il y ait l’étincelle de la poésie ». (Max Ernst)
Par Eric Foucher / Photos : © Adagp, Paris, 2023